Par le Cmdr Vilfourbe

 

Munfayl, année 3305, le 10 octobre.

Le cadran dictatorial de la station paraît bien sombre ce soir. Le mode nuit du secteur semble empreint des humeurs du moment du chef : simulation de tempête sur fond de trou noir… Pourtant, je n’ai rien fait, ou plutôt pas encore, tout dépends de mon enfant Céleste, un joli brin de fille d’à peine seize ans.

Je l’attends depuis déjà deux heures, aussi ponctuelle que sa génitrice, alors qu’elle sait que je déteste ses retards.

Tapi au fond d’un recoin le long d’un couloir près du square 01, un jardin privé surmonté d’une large statue du Dictateur posant fièrement au dessus d’un holo de la charte du Black Bird’s Consilium, j’aperçois les ombres des services de sécurité, çà et là, se baladant au gré de la lumière des holo-publicités propagandiste du consilium.

-Papa… pff…
-Non mais ça va pas de me foutre la trou…

Sous les effets de sa prise d’étranglement, je n’ai rien le temps de dire d’autre. Elle a décidément le chic pour me surprendre quand je m’endors, et ce, toujours avec la délicatesse d’un assassin te tenant en respect de son couteau sous la gorge alors qu’une patrouille passe.

-Papa, chut…

La patrouille passe à moins de deux mètre de notre emplacement. Elle ne nous détecte pas…

-Tu es en retard.
-Papa.
-Oui, mais non, t’es en retard.
-Papa…
-Tu étais avec ton petit copain ?
-Papaeuuuuu ….
-Non ? Ta petite copine alors ?
-Mais papa ! Là, c’est bon tu m’énerves, je m’en vais !
-Garde à vous ! Je suis ton père, ton supérieur et… et… tu me dois le respect.
-Mouais, le respect qu’on doit au vieux.

Alors que j’arme mon bras pour lui décocher la gifle la plus mémorable de sa vie, je sens ma stabilité horizontale et verticale devenir plus que précaire… Mon souffle est coupé et aucun son ne sort de ma gorge.
-Papa, chut…
-… mmm…
-Papa, chut…

Une nouvelle patrouille passe sans nous voir.

-Lâche ton père de suite, et arrête de faire ça.
-Quoi donc ?
-Tu m’as bien compris. De plus, n’oublie pas le rang de ton père Je suis un LDP, un laveur de pad, les prémices de la gloire de notre famille, une porte vers les BBA et plus tard les BBS, l’élite de l’élite.
-Euh, BBS pour moi ce serait plutôt l’élite des litres et dans ton cas LDP ne serait-ce pas plutôt l’acronyme de Langue De Pu…

Ma gifle part… Je la loupe de cinq millimètres, à plus ou moins cinq centimètres près…
Mais où a t’elle appris à esquiver et tout le reste? Son niveau de pilotage en combat est somme toute moyen mais sa navigation, sa façon d’explorer et se renseigner sont plutôt au dessus de la moyenne.
Dans quelle école l’ai je inscrite déjà? La BBHSoEaA ? La Black Bird High School of Exploration and Assassination ? Pourtant, c’est une école plutôt mal réputée, pas très chère… D’après les rumeurs, son directeur parlerait si mal que l’on ne distinguerait que des miaulements et son apparence serait en accord avec. Une allure de chat de gouttière dit-on.

-Sinon papa, qu’est qu’on fait là?

Je pense que mon regard désappointé en communion avec ma grimace désabusée suffit à lui rappeler nos objectifs.

-OK Papa, t’as un plan ?
-Oui, J’ai obtenu toutes les données nécessaires Mon contact au sein du squadron m’a fourni des holos détaillés des lieux et des systèmes de sécurité. Les patrouilles ne seront pas un problème, il n’y en as pas sur le trajet.
-Fait moi lire… OK papa, c’est parti… Euuuuuh par contre, c’est qui ton contact…
-On en parle plus tard ? Au fait, tu as bien tout ton équipement ?
-Yes.

-Mais… Attends moi au moins! Faites des gosses qu’il disaient !

Décidément, ma soirée de beuverie avec le secrétaire du consul de Nyx aura été des plus utiles et les holos qu’il m’a fourni ne me coûteront qu’une maigre partie du butin que nous allons “emprunter”. Je ne comprends pas bien ce qu’il compte faire de sa part : une vague histoire de ministre de la culture. Je suppose que le graissage de pattes serait politiquement bienvenue pour un ministère. Je me demande également d’où il tire toutes ses données.
Quand à moi, je vais pouvoir rembourser certaines dettes, faire les cadeaux nécessaires pour me faire remarquer par le staff (il parait que le RH n’est pas le dernier à refuser ce genre de délicatesse), et, peut être, retirer suffisamment de crédit pour nous équiper plus décemment ma fille et moi.

Le chemin se passe sans encombre et nous arrivons enfin dans un hangar situé sous les résidences des hauts dignitaires. C’est là que se trouve le Graal des Graal.
Comme prévue nous neutralisons les sécurités. Tandis que ma fille s’occupe à masquer toutes traces éventuelles de notre passage, je m’affaire au piratage et à la falsification des inventaires avant d’ordonner au convoyeur du hangar le transfert de la marchandise convoité vers mon vaisseau.
Je sais que bon nombre des colis sont piégés : encre spéciale bioluminescente, traqueur composite à base de nanoparticule et autres … Seuls ceux marqués Limon Ade sont sûr.
Pour finir, je demande aux robots trieurs de ré-étiqueté une partie des conteneurs du sigle Limon Ade, un plan sans accrocs…

Le retour est une partie de plaisir, je n’aurais jamais penser que cette expédition aurait été si facile, du coup j’en profite pour ma traditionnelle discussion père et fille.
-Alors, quels sont tes projets ?
-Je sais pas trop papa… J’ai pas envie de devenir comme toi…
-Euuuuhhhh… sympa…
-C’est pas ce que je veux dire… Toi ton objectif, c’est notre confort à moindre effort… Moi, je rêve d’espace et d’aventure… Si j’ai bien compris, mon école pourrait me donner quelques opportunités…
-Mouais… On verra…

 

9 CETI, année 3306, le 6 juillet.

Aujourd’hui, je suis un BBA.

Ma vie est plutôt tranquille. Patrouille, guerre, prime, alcool et autres plaisirs sont mon quotidien.
Ma fille, quand à elle, finira ses études d’ici 6 mois environ… Elle me manque… Depuis notre dernière discussion, on ne se voit que lorsqu’elle est en stage au sein du squadron (je me demande toujours comment une école aussi mal réputée arrive à avoir ses entrées dans un milieu aussi fermé). Son visage s’est endurci, marqué par la perte de l’œil gauche à l’entrainement. Malgré son attitude froide et distante, je sais qu’elle me porte toujours au fond de son cœur. Je le distingue au travers de son oeil droit compensé cybernétiquement (Mais qui finance l’assurance de cette école?).

Un jour, je serais BBS.

Munfayl, année 3307, le 7 février

-Le Chat ? Le Chat… LE CHAT !
-Maow.
-Te voila… Bien, je viens de voir les derniers recrutements LDP et je suis somme toute ravie de voir que tes plans de recrutement, bien que tordue, portent leurs fruits… Même le département RH n’y voit que du feu et pense que nous avons ” un fort taux de candidature spontanée”.
-Rrrroonn, miouuuuu, ronnnnn.
-Par contre, je ne comprends pas les dépenses de ton école, surtout lors de sa création.
-Roooooowwwww
-Oui, je t’ai laissé carte blanche deux ans auparavant pour expérimenté, mais depuis je me retrouve avec un ministère que tu as initié je ne sais comment, dont je ne connais même pas la finalité puisque la plupart de mes troupes ne savent ni lire ni écrire et considère que l’art ne réside que dans l’explosion !
-Rrrrrrrrrrrr.
-Bien, la recrue semble prometteuse, mais encore ? Outre le ministère, j’ai dû faire d’un pilote approximatif un BBS et, de ton aveu, cela m’a couté quelque unité de l’un de mes UAlccol des grands soirs, raffinés mais pas trop pour ma bande de vaurien
-Pfffffffiiiiiiiiii, maou.
-Tu me fatigues, le consilium me fatigue, la gestion de nos systèmes me fatigue, le couillon de Rod me fatigue… J’ai besoin de détente… Tiens, vas donc me chercher un conteneur de la cuvée qui t’as permis d’aboutir à tes desseins. Tu te rappelles du marquage ?
-Meow.
-C’est bien çà, Limon Ade…
-Rrrr.
-Oui, oui… c’est dans le hangar des “biens de consommation moyenne et attribuable”, tu ne penses quand même pas pouvoir un jour approcher de ma réserve personnelle.

 

 

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